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15 décembre 2009

Rapt

L’histoire : capitaine d’industrie, proche du pouvoir en place, Stanislas Graff est enlevé un matin quasiment devant chez lui.
Un calvaire de plusieurs semaines débute : séquestré, amputé, affamé, humilié, privé de son humanité, Graff résiste et ne montre rien aux ravisseurs, dominant la situation par une soumission.
De l’autre côté des murs s’organise la remise de la rançon, l’intérim de la présidence et se dévoile la vie sulfureuse de l’homme d’affaires.
Une fois la liberté retrouvée, ce sera pour s’apercevoir que tout a changé.

19182590

Rapt s’inspire librement de l’affaire du Baron Empain, enlevé en 1978 puis relâché par ses ravisseurs. Lucas Belvaux transpose cette histoire à l’heure actuelle, cela « recentre l'histoire sur son sujet, sur ce qui m'intéressait (comment vit-on une épreuve comme celle-là ?) sans que la reconstitution fasse écran entre le spectateur et le sujet »*1 . Et j’approuve tout à fait ce choix. Le cœur du sujet n’est pas la reconstitution de l’histoire du Baron Empain mais bel et bien les sentiments, les conséquences, les traumatismes engendrés par une séquestration.
Et à ce niveau-là, la prestation d’Yvan Attal est bluffante, pesant 53 kilos lors du tournage, il est méconnaissable en homme torturé, abattu, habitant ce président Graff jusqu’au bout, très différent de ses autres rôles.
La réalisation est très stylisée, la caméra n’a pas une position statique, tout un long du film, elle dégage une ambiance pesante, lourde de violence sous-jacente.
C’est à la fois une intrigue policière, une tragédie familiale et une enquête sur le pouvoir et le monde la bourgeoisie.
On y découvre un homme sûr de lui quoiqu’il arrive, ne doutant jamais de sa puissance. Des ravisseurs pactisant avec la victime, insinuant que sa famille, ses proches, l’ont abandonnés. Des relations de travail prêtent à tout pour s’approprier une parcelle de pouvoir. Une famille détruite par l’enlèvement de l’homme qu’elles aiment mais révoltées, humiliées par les nombreuses maîtresses révélées, les sommes affolantes perdues au jeu, la fortune dilapidée.
Lors des moments de détention de Graff, on ressent pitié et peine pour cet homme mais dès que l’on voit sa famille, en proie au chagrin, à la recherche d’une rançon de 50 millions d’euros malgré ses dettes de jeu, ses infidélités récurrentes, on ne ressent plus que de l’antipathie pour le kidnappé. Une ambivalence présente tout au long du film et très bien rendue. Dualité expliquée par Lucas Belvaux, « il y a une sorte de ricanement qui transpirait des articles [concernant l’enlèvement du Baron Empain], un sentiment qui pourrait se résumer à un : "il l'a bien cherché". Il y aurait les mêmes écrits encore aujourd'hui, je pense. Comment peut-on penser à propos d'un otage : il l'a bien cherché ? (...) C'est pour ça que je voulais que le personnage de Graff ne soit ni sympathique, ni particulièrement antipathique, et qu'il était important de prendre une victime come celle-ci, de cette origine et aisance sociale-là. Pour montrer la monstruosité de ce raisonnement (...) Est-ce qu'effectivement "il l'a bien cherché" ? Non. On ne coupe pas le doigt d'un homme, sous aucun prétexte. C'est de la barbarie absolue. Et ça au tournage on le ressentait très fort. L'ambiance s'alourdissait dès qu'il fallait enchaîner Yvan. » *1

A sa libération, c’est le conflit d’un homme qui a terriblement souffert face à une famille qui a tout autant souffert, à la fois par les révélations et par le kidnapping. Comment gérer cela ?
Tout se désagrège logiquement. A son retour, « La seule chose qui l'ébranle, c'est sa famille. Il réalise ce qu'est sa vie dans sa totalité et le mal que, tout à coup, il lui fait. Il a une responsabilité. » *2

C’est un film très fort, intense,  par la prestation des acteurs –renforçant mon admiration pour Yvan Attal, par le sujet traité. Un film dont on ressort forcément interrogatif, perplexe, partagé entre ce sentiment honteux qu’il ait pu mériter ce qui lui est arrivé et l’absurdité d’une telle pensée face à la gravité de la persécution. Qu’on se mette à la place de son épouse ou de Stanislas Graff, les sentiments seront les mêmes, trahison, angoisse, peine, peur, souffrance, une terrible torture psychologique.

19091417

*1, Secrets de tournage, interview de Lucas Belvaux, http://www.allocine.fr/film/anecdote_gen_cfilm=135904.html
*2, Secrets de tournage, interview de Yvan Attal, http://www.allocine.fr/film/anecdote_gen_cfilm=135904.html

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Commentaires
R
Tres bonne chronique, ca donne envie.
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